Interview de Jeanne Fouchet et Pierre Notte, Entretien avec Isabelle Huppert (avril-mail 2002), in Paris Photo Magazine n°19.
« Y'a-t-il des images de vous qui vous ont surprise ?
Des images très privées, probablement, oui. Des images de soi très intimes que l'on voudrait voir apparaître. Cette intimité que seuls les grands photographes savent transmettre, et faire transparaître, comme les grands cinéaste savent dévoiler l'intimité. Après, on peut s'interroger sur cette obsession de l'intime... Peut-être qu'il s'agit de la plus forte des affirmations de soi. Mais je ne voudrais pas établir une hiérarchie trop brutale entre l'image naturelle, la photo de l'intime, de l'intériorité, et celle de la sophistication, de la mise en scène. Il ne s'agit pas de les opposer. J'ai fait des photos avec Helmut Newton à deux reprises. La première fois, à Cannes, l'année de Violette Nozière, il m'avait photographié au réveil. J'avais mis un peignoir, il m'avait mis un collier de perles. Je sortais de mon lit. Mon visage était criblé de taches de rousseur ! J'aime bien cette image. Plus tard, j'ai fait une photo avec lui dans les rues de Paris, dans une Rolls-Royce. C'est une vision un peu caricaturale de la Parisienne sophistiquée. C'est plus une photographie de Newton que de moi.
Avec Peter Lindbergh, c'est l'idéal. C'est vraiment la sophistication du naturel. Comme une évidence. Je m'y retrouve toujours en mieux ! ...
Ce que j'aime, dans les images de Boubat, c'est qu'il s'agit aussi d'une photo de moi. C'est son histoire, mais c'est aussi la mienne. Avec Cartier-Bresson, c'est mon histoire autant que la sienne. Comme au cinéma, avec les grands metteurs en scène. Quand je fais un film avec Chabrol, par exemple, je sens qu'il me laisse un espace suffisant pour raconter ma propre histoire à l'intérieur de la sienne. Les deux histoires coïncident, et l'ensemble constitue son film. Le grand photographe sait faire ça, et sa grandeur vient de ce qu'il laisse advenir l'histoire et l'identité de la personne qu'il photographie. C'est leur talent. Ils savent ne plus être là. Les grands artistes savent s'absenter. C'est Flaubert qui nous le disait. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire